Brexit : 2021 ne sera pas 1203 !

Décembre 1203, Barfleur : Jean sans Terre, roi d’Angleterre, s’embarque précipitamment pour les îles britanniques alors que l’armée de Philippe-Auguste fond sur le duché de Normandie, lequel est rattaché au royaume de France dès l’été suivant. Une révolution : Anglais et Normands avaient destin lié depuis la conquête de Guillaume en 1066…

15 avril 1450, Formigny : les troupes du roi de France Charles VII défont les Anglais au travers d’une bataille épique (qui se joue, ironie de l’histoire, à proximité des futures plages du Débarquement…), décidant du cours final de la Guerre de Cent ans. À l’été 1450, après trois décennies d’administration commune, Angleterre et Normandie coupent de nouveau les ponts.

1er janvier 2021 : et de trois ! Avec l’entrée en vigueur du Brexit, une frontière pleine et entière est rétablie sur la Manche, alors que depuis 1973, le continent et les îles britanniques faisaient politique et marché communs…


Et de nouveau, avec le rétablissement des contrôles douaniers, les marchandises peinent à traverser le Channel… Malgré la mise en place d’une « frontière intelligente », le retour de la « paperasse » administrative (fût-elle numérique) complique les échanges. Mi-janvier 2021, la presse bruisse de ce chiffre : seul 50% du trafic habituel circulerait normalement ! Un défi pour les 158 000 poids lourds qui transitent chaque année par les ports normands…

Pour autant, si la rupture actuelle partage bien des enjeux avec les conflits du Moyen Âge (questions de souveraineté, de collecte des impôts, de contrôle du commerce, de normes juridiques…), cette fois, sur la forme, tout a changé. Le divorce a été entièrement négocié, certes âprement, mais fort heureusement sans recours à la force militaire (si ce n’est quelques navires de guerre lancés sur le Channel pour peser sur la question de la pêche début décembre…). Et c’est bel et bien un « accord de commerce et de coopération », de 1 491 pages !, qui a été conclu entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, fondant « une relation large entre les Parties, dans un espace de prospérité et de bon voisinage caractérisé par des relations étroites et pacifiques ». Avec cet état de fait entériné : « l’imposition de droits de douane est interdite sur toutes les marchandises », dont « chaque Partie accorde la liberté de transit à travers son territoire ».

Évidemment, des incertitudes pèsent sur l’avenir : quelle sera la viabilité à plus ou moins long terme d’une telle liberté de commerce sans structure politique commune, malgré la mise en place d’un « conseil de partenariat », lequel reste à inventer ? Pour autant, cet accord constitue un immense soulagement… et en matière de séparation, la Normandie en a déjà vu d’autres ! Plus que jamais, les Normands ne doivent pas cesser de regarder vers l’Angleterre.

> Pour en savoir plus, retrouvez notre dossier complet sur le Brexit dans Normandie 360° (Pack Action économique)

   Send article as PDF